Imèn Moussa (Tunisia/France) was born in the city of Bizerte in Tunisia on October 6, 1987. After studying literature, language and French civilization at the Higher Institute of Languages of Tunis, she moved to Paris where she focuses her research work on the situation of women in the contemporary Maghreb and engages in associations to help refugees and asylum seekers.
English
French
TO A SUDANESE KURDISH WOMAN
[And the barking of the dogs still echoes in my ears...]
She didn't want to know for how long her dream had been crashing here.
For how long had she been nothing but dust in the jungle of the faceless. From one accent to another the bridge of death unfolded before her.
Her life in the camp was an unfaithful expectation like those waters that spat her out.
The hold overturned in the sea... the side guards were there.
They placed them,
Nowhere...
Her soul has left the photo in her passport to cling to the thorns of these barbed wire tinged with humanitarian actions.
She escaped again.
She climbed up at night, she bumped into brambles, she scratched her face, she sold her body to make up the difference...
The world shrank as her feet went by.
She walked to the north
She had no right to despair, for herself and for those who drowned.
And, because despair had no right to settle in her belly, she finally arrived at the feet of the land of her dream.
[Then sometimes in my head I walk, I walk again...]
THE HARRAGA[1] ALWAYS DIE IN SPRING
The bloodstain was no bigger than a mole.
The screams were no heavier than a wheat thorn.
At the end of a long journey we understand that nothing is more difficult than freedom.
Maybe the boat overturned.
Maybe the country is still in an anger of love.
My children
Open your eyes wide to breathe.
Let the lock yawn, it will be filled with the tears of your moms and loved ones.
Their breasts were no more fertile than a desired land,
Their prayers were no sweeter than burnt jasmine.
My children...
If you are not mourned, it is because the door that held our eyelids does not want to give up.
Grief is never honorable,
Death is never proper,
My children,
The shroud is never big enough for one hundred people...
And, if at the bottom of the water there wasn't a lot of blood,
That's because your dreams were so big,
That's because your dreams were so big.
[1] Harraga is a term in Maghrebian dialect, referring to "those who burn". The Harga is the action of "burning papers and laws" by embarking at sea in clandestine boats.
DAGANA'S PARISIAN
Quechua ripped backpack
A large Carrefour shopping bag full to bursting
I cover the floor with a Darty cardboard
On the platform of this station I made myself a small country
Legs folded
I'm a paper burner
I came from the other side
Here I have respected no borders
Here I am a migrant of the Earth
Exiled
Harraga1, Harraga identity
Your Decolonized Daughter
I am the unwanted product
Of a story that you once knitted.
In Châtelet station,
I'm going now,
To live.
À UNE KURDE SOUDANAISE,
[Et les aboiements des chiens résonnent encore dans mes oreilles…]
Elle ne voulait pas le savoir, depuis combien de temps son rêve s'est écrasé ici.
Depuis combien de temps elle n'était plus qu'une poussière dans la jungle des sans visages. D'un accent à un autre le pont de la mort se déroulait devant elle.
Sa vie dans le camp était une attente infidèle comme ces eaux qui l'ont recrachée.
La cale s'est renversée en mer...les gardes côtés étaient là.
Ils les ont placés,
Nulle part…
Son âme a quitté la photo de son passeport pour s'agripper aux épines de ces barbelés teintés d'actions humanitaires.
Elle s’est encore échappée.
Elle a escaladé la nuit, elle a butté contre les ronces, elle s'est griffée le visage, elle a vendu son corps pour arrondir la somme...
Le monde s'est rétréci au passage de ses pieds.
Elle a marché vers le nord
Elle n'avait pas le droit de désespérer, pour elle et pour ceux qui se sont noyés.
Et, parce que le désespoir n'avait pas le droit de s'installer dans son ventre elle est enfin arrivée aux pieds du pays de son rêve.
[Puis parfois dans ma tête je marche, je marche encore…]
LES HARRAGA[1] MEURENT TOUJOURS AU PRINTEMPS
La tache de sang n'était pas plus grande qu'un grain de beauté.
Les cris n'étaient pas plus lourds qu'une épine de blé.
Au terme d'un long voyage on comprend que rien n'est plus difficile que la liberté.
Peut-être que le bateau s'est renversé.
Peut-être que le pays s'est encore d'amour fâché.
Mes enfants
Ouvrez grands vos yeux pour respirer.
Laissez la serrure bailler,
elle se bouchera avec les larmes de vos mamans et de vos aimées.
Leurs seins n'étaient pas plus fertiles qu'une terre désirée,
Leurs prières n'étaient pas plus douces que des jasmins brûlés.
Mes enfants
Si on ne vous pleure pas, c'est parce que la porte qui maintenait nos paupières ne veut pas céder.
La peine n'est jamais honorable,
La mort n'est jamais convenable,
Mes enfants,
Le linceul n'est jamais assez grand pour cent personnes
Et, si au fond de l’eau il n’y a pas eu beaucoup de sang,
C'est parce que vos rêves étaient si grands,
C'est parce que vos rêves étaient si grands.
[1] Harraga est un terme du dialecte Maghrébin, désignant « ceux qui brûlent ». La Harga est l’action de « brûler les papiers, les lois » en prenant la mer à bord d’embarcations clandestines.
PARISIENNE DE DAGANA
Sac à dos Quechua tout déchiré
Un gros cabas Carrefour plein à craquer
J'habille le sol d'un carton Darty
Sur le quai de cette gare je me suis fait un petit pays
Les jambes repliées
Je suis une brûleuse de papiers
Je suis venue de l'autre côté
Ici je n'ai respecté aucune frontière
Ici je suis une migrante de la terre
Exilée
Harraga, harraga d'identité
Votre fille Décolonisée
Je suis le produit non désiré
d'une Histoire que vous avez jadis tricoté.
Dans la gare Châtelet,
Je vais désormais,
Habiter.
Translated from french to English by the poet